Vacances tyroliennes et dolomitiques, deuxième partie : l'Italie
Première partie
Jour 7 : du rifugio Tre Scarperi à Misurina. 1000 m de montée, 700 m de descente, T2
Nous passons notre première nuit en Italie dans un grand dortoir sous les toits, auquel il faut accéder par une échelle. Cela a au moins le mérite de réduire le nombre de sorties nocturnes en direction des toilettes, l’échelle ayant de forts pouvoirs dissuasifs. Au milieu de la nuit, un téléphone se déclenche quelque part dans le dortoir et nous informe trois fois, en allemand, qu’il n’y a pas de réseau disponible.
Nous partons de bonne heure, traversons le fond plat de la vallée et entamons la montée qui nous amènera au pied des Tre Cime di Lavaredo. C’est une belle montée sous de hautes parois de rocher blanc, dans un paysage qui devient de plus en plus désertique au fur et à mesure que nous gagnons de l’altitude. Et voici les cimes célèbres, sortant de ce désert de caillasse comme d’énormes dents. Je n’irais pas jusqu’à dire que je suis déçu, mais je les ai déjà vues dans de bien meilleures conditions lumineuses il y a quelques années, fin septembre au lever et au coucher du soleil.
Nous longeons le pied de la paroi nord verticale, puis nous écartons du sentier pour pique-niquer et faire une longue sieste sur l’herbe entre deux petits lacs vers 2250 mètres. Nous poursuivons ensuite jusqu’au rifugio Auronzo, avec ses parkings et ses foules de touristes. Les Tre Cime sont beaucoup moins spectaculaires vues de ce côté, et je me demande combien de touristes montent en voiture puis redescendent déçus, n’ayant pas fait la demi-heure de marche nécessaire pour profiter pleinement du cadre spectaculaire.
Certains membres du groupe décident de descendre au lac de Misurina en bus, se réservant pour les longues journées de marche à venir. Les autres continuent à pied, d’abord par un sentier raide, raviné et malcommode, ensuite plus agréablement en forêt jusqu’aux rives du lac. La journée se termine à la terrasse d’un café avec bière, Apfelschorle et tablettes de chocolat, avant qu’un taxi nous monte au rifugio Ra Stua, à 1668 mètres d'altitude dans une vallée isolée, à une dizaine de kilomètres de Cortina d’Ampezzo. Nous nous habituons à la cuisine des refuges des Dolomites : pâtes ou minestrone en entrée, puis saucisses et polenta, fromage et polenta, fromage et pommes de terre, saucisses, œufs et pommes de terre, oeufs et pommes de terre sans saucisses, goulasch et polenta, œufs et polenta… les ingrédients ne varient guère de refuge en refuge, mais les combinaisons sont infinies et changent chaque soir
Jour 8 : du rifugio Ra Stua au rifugio Scoiattoli. 1400 m de montée, 800 m de descente, T2
Notre guide parvient à négocier le petit déjeuner à 6h 30 avec la patronne très aimable du refuge, une heure plus tôt que l’heure affichée. Cela tombe bien, car il va encore faire chaud et l’étape est longue. Nous descendons par un beau sentier en forêt, assez glissant au début en raison des pierres et racines rendues humides par la rosée et par une averse nocturne. Puis commence la longue remontée du canyon de Travenanzes, tout d’abord sur une piste forestière qui, à un endroit, franchit le torrent sur un pont loin, loin au-dessus d’une gorge étroite et profonde. La piste se transforme alors en un sentier étroit au-dessus de la rivière, sous les pierriers et falaises du massif des Tofanes. La vallée est tout simplement magnifique, c'est un vrai régal. Quelques passages de ravins latéraux demandent de la prudence, car le rocher reste glissant. Après une passerelle qui nous fait passer rive gauche du torrent, le canyon s'élargit d'un seul coup en une vallée superbe, où de hautes parois plongent vers le fond plat recouvert de pierres presque blanches sous le soleil matinal. Le sentier traverse les bras multiples du torrent à plusieurs reprises. Devant nous, le col dei Bos ne paraît pas bien loin, mais il nous faut encore pas mal de temps et d'effort, sous un soleil de plomb, pour y arriver.
La descente du côté sud du col est plus courte. A mi-chemin, une source nous permet de remplir des gourdes presque vides. J'ai rarement bu autant de liquide qu'aujourd'hui : entre trois et quatre litres d'eau en marchant, sans compter les deux Weizenbier que j'ingurgite une fois arrivé au refuge. Dans la vallée, il y a un grand parking et un télésiège que la moitié du groupe décide de prendre pour monter au rifugio Scoiattoli, 400 mètres plus haut. J'opte pour la montée à pied mais, en réalité, celle-ci est sans intérêt, le sentier se contente de zigzaguer sous les câbles du télésiège et les nombreuses marches en bois le rendent fatigant. Ce qui est beaucoup plus attrayant, c'est la terrasse du refuge, en plein soleil de fin d'après-midi face aux Cinque Torri.
Jour 9 : du rifugio Scoiattoli au rifugio Croda da Lago. 500 m de montée, 600 m de descente, T2
Cette étape est peut-être la plus facile des douze ; un enchaînement de cols et de balcons qui nous emmènera derrière la chaîne de pinacles déchiquetés que nous voyons depuis Scoiattoli, en silhouette devant le soleil levant. Quelques petits passages raides et rocheux achèvent de nous réveiller mais, pour la plupart, c'est une balade tranquille. Au passo Giau (2236 m), où nous traversons une route, certains s'arrêtent pour acheter cartes (de randonnée ou postales) et souvenirs. Une traversée un peu aérienne nous fait monter à la forcla de Col Piombin (2239 m), puis une petite descente suivie d'une montée plutôt raide nous amène à la forcla Giau, point culminant de la journée à 2360 mètres. Il y a du monde au col, et avec raison : la vue qui s'ouvre subitement sur le massif du Pelmo est somptueuse. Nous descendons un peu, puis nous écartons du sentier pour une longue pause pique-nique et sieste face à ce paysage splendide.
Il ne nous reste qu'à monter jusqu'au dernier des quatre cols de la journée, la forcla Ambrizzola (2277 m), puis de descendre tout doucement vers le rifugio Croda da Lago, bien situé à côté d'un joli petit lac. Nous y arrivons de bonne heure, ce qui laisse beaucoup de temps pour se désaltérer, flâner autour du lac et faire des croquis pas vraiment réussis (l'eau est vraiment, mais vraiment difficile à dessiner !) Plusieurs photographes sont installés au bord du lac avec du gros matériel professionnel, attendant le moment idéal où le soleil couchant éclairera à la fois la surface du lac et la pierre rose-jaune des montagnes qui l'entourent. C'est un bel endroit.
Jour 10 : du rifugio Croda da Lago au rifugio Passo Staulanza. 800 m de montée, 800 m de descente, T3+
La dixième étape s'annonce particulièrement courte et facile, nous faisons donc la grasse matinée, ne nous levant qu'à 8h 30. Le mythe du refuge sauvage et isolé est un peu cassé par un camion Heineken qui arrive pour livrer des boissons. Nous déjeunons en terrasse sous un soleil déjà chaud, rare luxe dans un refuge de montagne !
Nous remontons à la forcla Ambrizzola, puis poursuivons notre chemin, toujours en direction du sud, avec le Pelmo qui se rapproche de plus en plus.
Vers 11h 30, nous arrivons au rifugio Citta di Fiume, jolie bâtisse en pierre au milieu des alpages. Il y a beaucoup de monde autour du refuge ; il y aura apparemment un concert en plein air en début d’après-midi. Comme notre destination du jour n’est plus qu’à une heure et demie de marche, le guide propose de scinder le groupe : ceux qui veulent écouter le concert pourront le faire, puis rejoindre notre refuge seuls par un sentier facile. Pour ceux qui trouvent que la journée de marche a été un peu trop courte, il propose une variante qui ajoutera 400 mètres ("raides mais pas difficiles") de dénivelée supplémentaire.
En attendant, nous restons tous ensemble et remontons dans les alpages pour casser la croûte et faire la sieste un peu plus à l’écart du brouhaha autour du refuge. Ceux qui veulent écouter le concert ou continuer directement jusqu’à notre refuge redescendent, il reste un petit groupe de quatre personnes plus le guide pour faire la variante. Le son du concert remonte jusqu’à nous : une chanteuse qui a la voix de Joan Baez et qui chante du Simon et Garfunkel, je m’attendais à quelque chose de plus folklorique, ou au moins de plus italien !
La variante s’avère plus difficile que prévu. Le mot "raide" n’est pas vraiment assez fort pour qualifier les 400 mètres de montée, dans le fond d’un ravin, jusqu’au col (2254 m, sans nom sur la carte). Certes, il y a un sentier, mais je ne pense pas avoir jamais marché sur un aussi mauvais sentier que celui-ci ! Pendant une heure, c’est deux pas en avant et un et demi en arrière, tellement c’est raide et glissant. Il n’y a pas vraiment de danger et le vide n’est pas vraiment présent, mais une chute entraînerait certainement une longue glissade et na nécessité de recommencer. C’est presque un soulagement quand le sentier oblique à gauche et quitte le ravin par une cheminée rocheuse de 20 ou 30 mètres de haut, équipée de câbles. Au-dessus, cela devient plus facile, et c’est par un sentier de nouveau « normal » dans des pentes d’herbe que nous atteignons un joli col, au pied même des immenses parois rocheuses du Pelmo et des grands pierriers blancs à leur base. Nous sommes heureux de voir que l’autre côté du col a l’air moins ardu, car nous n’aurions vraiment pas voulu redescendre par la voie de la montée ! Par la suite, nous découvrons que le sentier est marqué comme difficile sur ma carte alors que sur celle du guide, plus ancienne, c'est un sentier de randonnée normal.
La descente se fait dans le pierrier du val d'Arcia, en traversée sous les falaises. Nous rejoignons enfin le sentier principal venant de l’endroit où nous avons déjeuné ; il ne reste plus qu’une vingtaine de minutes de marche facile en forêt pour arriver au col routier du Passo Staulanza (1766 m) et à l’auberge où nous passons la nuit. Nous retrouvons le reste du groupe, déjà bien installé en terrasse avec des chopes de bière, d'Apfelschorle ou de Skiwasser (mélange pas très appétissant de sirop de je ne sais pas trop quoi et d'eau gazeuse), selon les personnes. Depuis ici, davantage que le Pelmo tout proche, c’est le massif de la Civetta qui domine la vue, massif que nous allons contourner pendant les deux jours de marche restants. Après le souper, alors que la nuit est tombée, nous apercevons des lumières tout là-haut près du sommet, des lumières de lanternes ou de lampes frontales qui descendent petit à petit. La gardienne du refuge nous dit que cette descente nocturne de la Civetta est une tradition locale, ça se fait une fois par an, mais elle ne sait pas pourquoi.
Jour 11, du rifugio Passo Staulanza au rifugio Vazzoler. 750 m de montée, 750 m de descente, T2
Avant-dernier jour de marche, ça commence à sentir la fin. Nous partons à 7h 30 en direction de la Civetta, sur la route pendant un kilomètre, puis sur d’agréables pistes et sentiers. A la première ferme d’alpage, un troupeau de chèvres sort de l’étable ; nous nous y arrêtons pour acheter du fromage de chèvre et pour voir la fabrication, dans un grand baquet chauffé par un feu de bois. Commence alors une montée longue et régulière, d’abord à travers des alpages verdoyants, puis par des lacets de plus en plus raides sous la face nord-est de la Civetta. La montée se termine à la Forcla Coldai, 2191 m, juste au-dessus du refuge du même nom ; en contrebas, l’œil est attiré vers un joli petit lac, alors que plus loin, les sommets de la Marmolada et du Piz Boé dominent la vue.
Nous redescendons vers le petit lac, puis empruntons un sentier rocheux qui longe le flanc du Val Civetta, sous les falaises de la face ouest de la montagne. Une montée raide nous amène au rifugio Tissi, à 2250 mètres ; nous montons un peu au-dessus pour la dernière longue pause midi des vacances. Certains s’en vont boire un verre au refuge, d’autres vont plus haut pour voir la vue plongeante vertigineuse sur le lac d'Alleghe… pour ma part, je me contente de m’allonger sur l’herbe, à l’ombre, et de fermer les yeux pour écouter le silence de la montagne.
Il nous reste encore du chemin à faire l’après-midi. Le sentier, moins rocheux et plus facile à présent, continue de contourner la base de la Civetta, quittant maintenant l’univers minéral pour déboucher de manière inattendue dans une large vallée au fond plat et herbeux ; on pourrait presque y jouer au golf.
Le rifugio Vazzoler (1714 m), où nous passons notre dernière nuit en montagne, est un endroit idyllique, un des plus beaux du tour. Entouré d’arbres et d’un jardin alpin, le refuge lui-même est une grande maison en pierre : chambres confortables à quatre lits superposés, douches chaudes, il y a tout ce qu’il faut. Nous mangeons nos derniers plats de saucisses-œufs-polenta-pâtes-fromage, puis restons un peu dehors et parlons des vacances à venir... il fait incroyablement doux.
Jour 12, du rifugio Vazzoler au passo Duran. 650 m de montée, 750 m de descente, T3
Notre dernière demi-journée de marche commence par quelques centaines de mètres de descente. Des orages sont annoncés et, en regardant le ciel, il est évident que la météo va changer, il y a nettement plus de nuages que les autres jours. Arriverons-nous secs jusqu’au bout de la randonnée ? Nous quittons la piste que nous suivions et commençons une longue traversée montante sur un sentier rocheux, étroit et un peu exposé par endroits. Ce sentier finit par grimper jusqu’à la forcla del Camp, 1933 m, dernier des nombreux cols que nous avons franchis depuis deux semaines. Un peu en contrebas, nous faisons une pause : le guide sort une carte à grande échelle sur laquelle il a tracé l’ensemble de notre itinéraire, plus ou moins plein sud depuis le Steinernes Meer jusqu’à ces montagnes au-dessus de Belluno. Il reçoit un coup de fil d’une collègue qui accompagne un autre groupe, à quelques kilomètres seulement de là où nous sommes : là-bas, il s’est mis à pleuvoir. Mais la chance reste avec nous ; nous arrivons sous le soleil au Passo Duran. Nous nous félicitons d’avoir tous réussi à aller jusqu’au bout (même la dame au poignet cassé), buvons une dernière Weizenbier, mangeons la dernière des excellentes salades que le guide nous a confectionnées chaque jour, assis sur l'herbe devant une petite chapelle.
Un bus nous emmène à Belluno, puis à Vérone où nous passons notre dernière soirée ensemble. Chaleur étouffante en plaine, ambiance romantique de la vieille ville avec ses ruelles et ses petites places. Echange d’adresses e-mail qui, malgré toutes les bonnes intentions, ne serviront plus jamais et seront oubliées d’ici un mois, à moins que...
Samedi matin, le groupe se disperse, chacun rentre chez soi. Je prends le train en début d’après-midi, il doit faire 35 degrés. Cinq heures et demie plus tard, je descends du train à Lucerne : il pleut fort et la température ne doit pas dépasser les 16 ou 17 degrés. Cela ne fait aucun doute : les vacances sont finies !
Jour 7 : du rifugio Tre Scarperi à Misurina. 1000 m de montée, 700 m de descente, T2
Nous passons notre première nuit en Italie dans un grand dortoir sous les toits, auquel il faut accéder par une échelle. Cela a au moins le mérite de réduire le nombre de sorties nocturnes en direction des toilettes, l’échelle ayant de forts pouvoirs dissuasifs. Au milieu de la nuit, un téléphone se déclenche quelque part dans le dortoir et nous informe trois fois, en allemand, qu’il n’y a pas de réseau disponible.
Nous partons de bonne heure, traversons le fond plat de la vallée et entamons la montée qui nous amènera au pied des Tre Cime di Lavaredo. C’est une belle montée sous de hautes parois de rocher blanc, dans un paysage qui devient de plus en plus désertique au fur et à mesure que nous gagnons de l’altitude. Et voici les cimes célèbres, sortant de ce désert de caillasse comme d’énormes dents. Je n’irais pas jusqu’à dire que je suis déçu, mais je les ai déjà vues dans de bien meilleures conditions lumineuses il y a quelques années, fin septembre au lever et au coucher du soleil.
Nous longeons le pied de la paroi nord verticale, puis nous écartons du sentier pour pique-niquer et faire une longue sieste sur l’herbe entre deux petits lacs vers 2250 mètres. Nous poursuivons ensuite jusqu’au rifugio Auronzo, avec ses parkings et ses foules de touristes. Les Tre Cime sont beaucoup moins spectaculaires vues de ce côté, et je me demande combien de touristes montent en voiture puis redescendent déçus, n’ayant pas fait la demi-heure de marche nécessaire pour profiter pleinement du cadre spectaculaire.
Certains membres du groupe décident de descendre au lac de Misurina en bus, se réservant pour les longues journées de marche à venir. Les autres continuent à pied, d’abord par un sentier raide, raviné et malcommode, ensuite plus agréablement en forêt jusqu’aux rives du lac. La journée se termine à la terrasse d’un café avec bière, Apfelschorle et tablettes de chocolat, avant qu’un taxi nous monte au rifugio Ra Stua, à 1668 mètres d'altitude dans une vallée isolée, à une dizaine de kilomètres de Cortina d’Ampezzo. Nous nous habituons à la cuisine des refuges des Dolomites : pâtes ou minestrone en entrée, puis saucisses et polenta, fromage et polenta, fromage et pommes de terre, saucisses, œufs et pommes de terre, oeufs et pommes de terre sans saucisses, goulasch et polenta, œufs et polenta… les ingrédients ne varient guère de refuge en refuge, mais les combinaisons sont infinies et changent chaque soir
Jour 8 : du rifugio Ra Stua au rifugio Scoiattoli. 1400 m de montée, 800 m de descente, T2
Notre guide parvient à négocier le petit déjeuner à 6h 30 avec la patronne très aimable du refuge, une heure plus tôt que l’heure affichée. Cela tombe bien, car il va encore faire chaud et l’étape est longue. Nous descendons par un beau sentier en forêt, assez glissant au début en raison des pierres et racines rendues humides par la rosée et par une averse nocturne. Puis commence la longue remontée du canyon de Travenanzes, tout d’abord sur une piste forestière qui, à un endroit, franchit le torrent sur un pont loin, loin au-dessus d’une gorge étroite et profonde. La piste se transforme alors en un sentier étroit au-dessus de la rivière, sous les pierriers et falaises du massif des Tofanes. La vallée est tout simplement magnifique, c'est un vrai régal. Quelques passages de ravins latéraux demandent de la prudence, car le rocher reste glissant. Après une passerelle qui nous fait passer rive gauche du torrent, le canyon s'élargit d'un seul coup en une vallée superbe, où de hautes parois plongent vers le fond plat recouvert de pierres presque blanches sous le soleil matinal. Le sentier traverse les bras multiples du torrent à plusieurs reprises. Devant nous, le col dei Bos ne paraît pas bien loin, mais il nous faut encore pas mal de temps et d'effort, sous un soleil de plomb, pour y arriver.
La descente du côté sud du col est plus courte. A mi-chemin, une source nous permet de remplir des gourdes presque vides. J'ai rarement bu autant de liquide qu'aujourd'hui : entre trois et quatre litres d'eau en marchant, sans compter les deux Weizenbier que j'ingurgite une fois arrivé au refuge. Dans la vallée, il y a un grand parking et un télésiège que la moitié du groupe décide de prendre pour monter au rifugio Scoiattoli, 400 mètres plus haut. J'opte pour la montée à pied mais, en réalité, celle-ci est sans intérêt, le sentier se contente de zigzaguer sous les câbles du télésiège et les nombreuses marches en bois le rendent fatigant. Ce qui est beaucoup plus attrayant, c'est la terrasse du refuge, en plein soleil de fin d'après-midi face aux Cinque Torri.
Jour 9 : du rifugio Scoiattoli au rifugio Croda da Lago. 500 m de montée, 600 m de descente, T2
Cette étape est peut-être la plus facile des douze ; un enchaînement de cols et de balcons qui nous emmènera derrière la chaîne de pinacles déchiquetés que nous voyons depuis Scoiattoli, en silhouette devant le soleil levant. Quelques petits passages raides et rocheux achèvent de nous réveiller mais, pour la plupart, c'est une balade tranquille. Au passo Giau (2236 m), où nous traversons une route, certains s'arrêtent pour acheter cartes (de randonnée ou postales) et souvenirs. Une traversée un peu aérienne nous fait monter à la forcla de Col Piombin (2239 m), puis une petite descente suivie d'une montée plutôt raide nous amène à la forcla Giau, point culminant de la journée à 2360 mètres. Il y a du monde au col, et avec raison : la vue qui s'ouvre subitement sur le massif du Pelmo est somptueuse. Nous descendons un peu, puis nous écartons du sentier pour une longue pause pique-nique et sieste face à ce paysage splendide.
Il ne nous reste qu'à monter jusqu'au dernier des quatre cols de la journée, la forcla Ambrizzola (2277 m), puis de descendre tout doucement vers le rifugio Croda da Lago, bien situé à côté d'un joli petit lac. Nous y arrivons de bonne heure, ce qui laisse beaucoup de temps pour se désaltérer, flâner autour du lac et faire des croquis pas vraiment réussis (l'eau est vraiment, mais vraiment difficile à dessiner !) Plusieurs photographes sont installés au bord du lac avec du gros matériel professionnel, attendant le moment idéal où le soleil couchant éclairera à la fois la surface du lac et la pierre rose-jaune des montagnes qui l'entourent. C'est un bel endroit.
Jour 10 : du rifugio Croda da Lago au rifugio Passo Staulanza. 800 m de montée, 800 m de descente, T3+
La dixième étape s'annonce particulièrement courte et facile, nous faisons donc la grasse matinée, ne nous levant qu'à 8h 30. Le mythe du refuge sauvage et isolé est un peu cassé par un camion Heineken qui arrive pour livrer des boissons. Nous déjeunons en terrasse sous un soleil déjà chaud, rare luxe dans un refuge de montagne !
Nous remontons à la forcla Ambrizzola, puis poursuivons notre chemin, toujours en direction du sud, avec le Pelmo qui se rapproche de plus en plus.
Vers 11h 30, nous arrivons au rifugio Citta di Fiume, jolie bâtisse en pierre au milieu des alpages. Il y a beaucoup de monde autour du refuge ; il y aura apparemment un concert en plein air en début d’après-midi. Comme notre destination du jour n’est plus qu’à une heure et demie de marche, le guide propose de scinder le groupe : ceux qui veulent écouter le concert pourront le faire, puis rejoindre notre refuge seuls par un sentier facile. Pour ceux qui trouvent que la journée de marche a été un peu trop courte, il propose une variante qui ajoutera 400 mètres ("raides mais pas difficiles") de dénivelée supplémentaire.
En attendant, nous restons tous ensemble et remontons dans les alpages pour casser la croûte et faire la sieste un peu plus à l’écart du brouhaha autour du refuge. Ceux qui veulent écouter le concert ou continuer directement jusqu’à notre refuge redescendent, il reste un petit groupe de quatre personnes plus le guide pour faire la variante. Le son du concert remonte jusqu’à nous : une chanteuse qui a la voix de Joan Baez et qui chante du Simon et Garfunkel, je m’attendais à quelque chose de plus folklorique, ou au moins de plus italien !
La variante s’avère plus difficile que prévu. Le mot "raide" n’est pas vraiment assez fort pour qualifier les 400 mètres de montée, dans le fond d’un ravin, jusqu’au col (2254 m, sans nom sur la carte). Certes, il y a un sentier, mais je ne pense pas avoir jamais marché sur un aussi mauvais sentier que celui-ci ! Pendant une heure, c’est deux pas en avant et un et demi en arrière, tellement c’est raide et glissant. Il n’y a pas vraiment de danger et le vide n’est pas vraiment présent, mais une chute entraînerait certainement une longue glissade et na nécessité de recommencer. C’est presque un soulagement quand le sentier oblique à gauche et quitte le ravin par une cheminée rocheuse de 20 ou 30 mètres de haut, équipée de câbles. Au-dessus, cela devient plus facile, et c’est par un sentier de nouveau « normal » dans des pentes d’herbe que nous atteignons un joli col, au pied même des immenses parois rocheuses du Pelmo et des grands pierriers blancs à leur base. Nous sommes heureux de voir que l’autre côté du col a l’air moins ardu, car nous n’aurions vraiment pas voulu redescendre par la voie de la montée ! Par la suite, nous découvrons que le sentier est marqué comme difficile sur ma carte alors que sur celle du guide, plus ancienne, c'est un sentier de randonnée normal.
La descente se fait dans le pierrier du val d'Arcia, en traversée sous les falaises. Nous rejoignons enfin le sentier principal venant de l’endroit où nous avons déjeuné ; il ne reste plus qu’une vingtaine de minutes de marche facile en forêt pour arriver au col routier du Passo Staulanza (1766 m) et à l’auberge où nous passons la nuit. Nous retrouvons le reste du groupe, déjà bien installé en terrasse avec des chopes de bière, d'Apfelschorle ou de Skiwasser (mélange pas très appétissant de sirop de je ne sais pas trop quoi et d'eau gazeuse), selon les personnes. Depuis ici, davantage que le Pelmo tout proche, c’est le massif de la Civetta qui domine la vue, massif que nous allons contourner pendant les deux jours de marche restants. Après le souper, alors que la nuit est tombée, nous apercevons des lumières tout là-haut près du sommet, des lumières de lanternes ou de lampes frontales qui descendent petit à petit. La gardienne du refuge nous dit que cette descente nocturne de la Civetta est une tradition locale, ça se fait une fois par an, mais elle ne sait pas pourquoi.
Jour 11, du rifugio Passo Staulanza au rifugio Vazzoler. 750 m de montée, 750 m de descente, T2
Avant-dernier jour de marche, ça commence à sentir la fin. Nous partons à 7h 30 en direction de la Civetta, sur la route pendant un kilomètre, puis sur d’agréables pistes et sentiers. A la première ferme d’alpage, un troupeau de chèvres sort de l’étable ; nous nous y arrêtons pour acheter du fromage de chèvre et pour voir la fabrication, dans un grand baquet chauffé par un feu de bois. Commence alors une montée longue et régulière, d’abord à travers des alpages verdoyants, puis par des lacets de plus en plus raides sous la face nord-est de la Civetta. La montée se termine à la Forcla Coldai, 2191 m, juste au-dessus du refuge du même nom ; en contrebas, l’œil est attiré vers un joli petit lac, alors que plus loin, les sommets de la Marmolada et du Piz Boé dominent la vue.
Nous redescendons vers le petit lac, puis empruntons un sentier rocheux qui longe le flanc du Val Civetta, sous les falaises de la face ouest de la montagne. Une montée raide nous amène au rifugio Tissi, à 2250 mètres ; nous montons un peu au-dessus pour la dernière longue pause midi des vacances. Certains s’en vont boire un verre au refuge, d’autres vont plus haut pour voir la vue plongeante vertigineuse sur le lac d'Alleghe… pour ma part, je me contente de m’allonger sur l’herbe, à l’ombre, et de fermer les yeux pour écouter le silence de la montagne.
Il nous reste encore du chemin à faire l’après-midi. Le sentier, moins rocheux et plus facile à présent, continue de contourner la base de la Civetta, quittant maintenant l’univers minéral pour déboucher de manière inattendue dans une large vallée au fond plat et herbeux ; on pourrait presque y jouer au golf.
Le rifugio Vazzoler (1714 m), où nous passons notre dernière nuit en montagne, est un endroit idyllique, un des plus beaux du tour. Entouré d’arbres et d’un jardin alpin, le refuge lui-même est une grande maison en pierre : chambres confortables à quatre lits superposés, douches chaudes, il y a tout ce qu’il faut. Nous mangeons nos derniers plats de saucisses-œufs-polenta-pâtes-fromage, puis restons un peu dehors et parlons des vacances à venir... il fait incroyablement doux.
Jour 12, du rifugio Vazzoler au passo Duran. 650 m de montée, 750 m de descente, T3
Notre dernière demi-journée de marche commence par quelques centaines de mètres de descente. Des orages sont annoncés et, en regardant le ciel, il est évident que la météo va changer, il y a nettement plus de nuages que les autres jours. Arriverons-nous secs jusqu’au bout de la randonnée ? Nous quittons la piste que nous suivions et commençons une longue traversée montante sur un sentier rocheux, étroit et un peu exposé par endroits. Ce sentier finit par grimper jusqu’à la forcla del Camp, 1933 m, dernier des nombreux cols que nous avons franchis depuis deux semaines. Un peu en contrebas, nous faisons une pause : le guide sort une carte à grande échelle sur laquelle il a tracé l’ensemble de notre itinéraire, plus ou moins plein sud depuis le Steinernes Meer jusqu’à ces montagnes au-dessus de Belluno. Il reçoit un coup de fil d’une collègue qui accompagne un autre groupe, à quelques kilomètres seulement de là où nous sommes : là-bas, il s’est mis à pleuvoir. Mais la chance reste avec nous ; nous arrivons sous le soleil au Passo Duran. Nous nous félicitons d’avoir tous réussi à aller jusqu’au bout (même la dame au poignet cassé), buvons une dernière Weizenbier, mangeons la dernière des excellentes salades que le guide nous a confectionnées chaque jour, assis sur l'herbe devant une petite chapelle.
Un bus nous emmène à Belluno, puis à Vérone où nous passons notre dernière soirée ensemble. Chaleur étouffante en plaine, ambiance romantique de la vieille ville avec ses ruelles et ses petites places. Echange d’adresses e-mail qui, malgré toutes les bonnes intentions, ne serviront plus jamais et seront oubliées d’ici un mois, à moins que...
Samedi matin, le groupe se disperse, chacun rentre chez soi. Je prends le train en début d’après-midi, il doit faire 35 degrés. Cinq heures et demie plus tard, je descends du train à Lucerne : il pleut fort et la température ne doit pas dépasser les 16 ou 17 degrés. Cela ne fait aucun doute : les vacances sont finies !
Tourengänger:
stephen
Communities: Randonneur
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