Grisaille d'automne sur le Fürstein
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English version here
Un court passage au Chli Fürstein mériterait la cotation T3, mais peut être évité.
Le 1er novembre il y a deux ans, après être arrivé en Suisse centrale la veille pour commencer un nouvel emploi, je suis monté au Wildspitz depuis l'Aegerital. En bas, un brouillard humide et froid recouvrait tout, mais à mi-parcours je suis arrivé au-dessus de la chape grise pour découvrir un monde merveilleux de ciel bleu et de nouvelles montagnes à découvrir. Deux ans après, jour pour jour, la météo paraît identique. Le brouillard que je découvre en ouvrant mes stores n'incite qu'à rester au lit, mais Météosuisse m'a promis qu'au-dessus, il fera beau. Je me mets donc en route pour le Fürstein, me disant que les hauts marais de l'Entlebuch seront bien jolis sous le soleil automnal.
Une fois n'est pas coutume, je me rends au point de départ de la randonnée en voiture. C'est une chose que je ne fais que très rarement – la dernière fois remonte à il y a deux ans – mais le Glaubenbergpass n'est desservi par aucun bus. De toute façon, pour faire l'ascension d'un sommet dont le nom se traduit en anglais par "Firestone", la voiture est probablement le moyen de transport le plus approprié…
Le brouillard persiste jusqu'à Lucerne, s'empire au-dessus de Sarnen… puis j'en sors enfin quelques virages après Stalden. Mais quelle déception : les prévisions d'hier soir étaient fausses, au-dessus du brouillard il n'y a point de soleil ni de ciel bleu, juste une couche bien épaisse de nuages d'altitude. Seule consolation : alors qu'à Zug il ne faisait que 5 degrés, ici à 1500 mètres d'altitude, la température a grimpé jusqu'à 11.
Le guide Rother décrit l'itinéraire depuis le Glaubenbergpass comme "approche idéale" au Fürstein. Je ne peux malheureusement pas être d'accord ; si cette marche d'approche monotone sur route asphaltée est idéale, je n'ose pas imaginer comment sont les autres sentiers qui permettent d'aborder la montagne. Le ciel gris et l'absence de couleur n'aident pas, bien entendu. Sous le soleil, les herbes des marais seraient lumineuses et pleines de rouges et de bruns d'automne, alors qu'aujourd'hui elles ne sont que fanées et fades.
Heureusement, la présence de l'armée apporte quelques petites touches inattendues qui brisent la monotonie. Peu après le départ, je suis surpris de voir un militaire, en tenue de camouflage, sortir d'un bâtiment agricole avec un grand cheval marron. La combinaison militaire-cheval est plutôt insolite, je ne savais même pas que l'armée suisse possédaient des chevaux, et je me demande ce qu'ils en font, ici à 1600 mètres au milieu de nulle part. Devant le bâtiment sont alignés une dizaine de petits attelages, comme ceux que l'on voit dans les courses de trot en France. Les soldats s'amuseraient-ils à organiser des courses de trot pour passer les longues journées en montagne ?
Un peu plus loin, là où la piste surplombe le petit Seewenseeli, nouvelle scène insolite. Un second militaire, plus âgé que le premier mais lui aussi en tenus de combat, est en train de jouer du cor des Alpes au bord du chemin, tout seul, pour son propre plaisir. Il joue plutôt bien d'ailleurs ; les longues notes résonnent tout autour du cirque montagneux autour du lac, créant des harmonies qui se marient parfaitement à la mélodie qu'il joue. C'est assez magique, il faut le dire. En tout cas, je suis bien content de savoir maintenant comment l'armée suisse occupe ses jours fériés : courses de trot et cor des Alpes.
Depuis la petite chapelle à Ober Seewen, où la piste fait enfin place à un sentier, la suite de l'itinéraire jusqu'au sommet est clairement visible. Le sentier remonte le fond d'un vallon qui aboutit à la selle entre le Fürstein et son petit frère le Chli Fürstein, puis oblique à droite pour gagner le plus haut des deux sommets. La carte n'indique pas de sentier vers le Chli Fürstein, mais je me dis qu'il serait dommage de ne pas faire le petit effort supplémentaire qui me permettrait de cueillir deux sommets pour le prix d'un. Je quitte donc l'itinéraire balisé et remonte vers la longue arête qui descend vers l'est depuis le sommet.
En fait, il y a des traces de sentier serpentant presque tout le long de la crête. Celle-ci est plus raide qu'il n'y paraît, mais jamais difficile, même si les grosses touffes d'herbe qui tapissent sa partie supérieure rendent la tâche assez fatigante. Au sommet, deux hommes accompagnés de deux chiens sont en train de profiter de ce coin peu fréquenté. Ils n'ont pas l'air ravis de voir arriver un autre randonneur, mais je ne fais que passer. L'un des chiens essaie de me mordre à l'insu de son maître : il rate son coup, mais je sens le tissu de mon pantalon se faire tirer vers l'arrière au niveau de la cuisse droite.
Je pensais qu'il y aurait un passage facile depuis le sommet du Chli Fürstein jusqu'à la selle, qui n'est pas loin en dessous. Mais depuis le sommet ça a l'air moins évident, le terrain est bien raide tout autour, à l'exception de la direction par laquelle je suis arrivée. Je n'ai vraiment pas envie de redescendre tout ce que je viens de monter. Un tout petit sentier part en direction de la selle, et je le suis. C'est le passage la plus difficile de cette randonnée, et vaut probablement la cotation T3 sur quelques dizaines de mètres de dénivelée. Pas difficile mais très raide, glissant et assez exposé par endroits, ce sentier ne pardonnerait pas un faux-pas, car les falaises au bord desquelles il descend en lacets serrés sont bien hautes et bien verticales. Mais j'atteins la selle sans problème, et peu de temps après me trouve sur le sommet du Fürstein, avec ses 2040 mètres juste une tête plus haut que son petit frère.
Par bonnes conditions météo, la vue depuis ici doit être époustouflante. Les Alpes de la Suisse centrale sont là dans leur intégralité, mais ce qui attire surtout le regard sont les immenses sommets enneigés de l'Oberland bernois. Je me rends compte avec un petit pincement au coeur que ça doit faire deux ans que je n'ai plus mis les pieds dans l'Oberland, où j'allais si souvent quand j'habitais encore à Neuchâtel. Aujourd'hui, cette vue lointaine est quelque peu gâchée par les nuages de plus en plus bas, et c'est plutôt le Pilatus qui attire mon attention, sombre et pointue par-delà un premier plan d'herbe jaunâtre. Le vent s'est renforcé et la température a baissé : quelques-uns des 11 degrés de ce matin se sont envolés. Je prends vite froid en mangeant mes sandwiches ; j'ai très envie de soupe chaude, mais je suis rentré tard hier soir d'un déplacement professionnel et n'ai pas eu le temps de préparer autre chose qu'un sandwich au jambon et un autre au fromage. Je mange rapidement et me remets en route.
Après mon détour à la montée, je choisis le sentier balisé pour la descente ; un sentier glissant et érodé qui descend rapidement dans le fond du vallon, où il suit un petit torrent vers le bas. Le reste de la randonnée est simplement l'itinéraire de ce matin en sens inverse : je repasse à la chapelle d'Ober Seewen, passe au-dessus du lac (le joueur de cor des Alpes n'est plus là), puis arrive à l'endroit où j'ai vu le militaire cavalier plus tôt. A ma grande surprise, il y a maintenant une dizaine de militaires et une dizaine de chevaux (tous identiques) à ce même endroit. Je me demande qui a gagné la course…
La descente me fatigue ; cela fait quelques semaines que je n'ai plus fait de randonnée, et mon corps me le fait savoir, me rappelant gentiment que je n'ai plus 20 ans et que la remise en route après une pause se paie en courbatures. Alors que j'atteins le parking, inévitablement, le soleil se met à briller.
Un court passage au Chli Fürstein mériterait la cotation T3, mais peut être évité.
Le 1er novembre il y a deux ans, après être arrivé en Suisse centrale la veille pour commencer un nouvel emploi, je suis monté au Wildspitz depuis l'Aegerital. En bas, un brouillard humide et froid recouvrait tout, mais à mi-parcours je suis arrivé au-dessus de la chape grise pour découvrir un monde merveilleux de ciel bleu et de nouvelles montagnes à découvrir. Deux ans après, jour pour jour, la météo paraît identique. Le brouillard que je découvre en ouvrant mes stores n'incite qu'à rester au lit, mais Météosuisse m'a promis qu'au-dessus, il fera beau. Je me mets donc en route pour le Fürstein, me disant que les hauts marais de l'Entlebuch seront bien jolis sous le soleil automnal.
Une fois n'est pas coutume, je me rends au point de départ de la randonnée en voiture. C'est une chose que je ne fais que très rarement – la dernière fois remonte à il y a deux ans – mais le Glaubenbergpass n'est desservi par aucun bus. De toute façon, pour faire l'ascension d'un sommet dont le nom se traduit en anglais par "Firestone", la voiture est probablement le moyen de transport le plus approprié…
Le brouillard persiste jusqu'à Lucerne, s'empire au-dessus de Sarnen… puis j'en sors enfin quelques virages après Stalden. Mais quelle déception : les prévisions d'hier soir étaient fausses, au-dessus du brouillard il n'y a point de soleil ni de ciel bleu, juste une couche bien épaisse de nuages d'altitude. Seule consolation : alors qu'à Zug il ne faisait que 5 degrés, ici à 1500 mètres d'altitude, la température a grimpé jusqu'à 11.
Le guide Rother décrit l'itinéraire depuis le Glaubenbergpass comme "approche idéale" au Fürstein. Je ne peux malheureusement pas être d'accord ; si cette marche d'approche monotone sur route asphaltée est idéale, je n'ose pas imaginer comment sont les autres sentiers qui permettent d'aborder la montagne. Le ciel gris et l'absence de couleur n'aident pas, bien entendu. Sous le soleil, les herbes des marais seraient lumineuses et pleines de rouges et de bruns d'automne, alors qu'aujourd'hui elles ne sont que fanées et fades.
Heureusement, la présence de l'armée apporte quelques petites touches inattendues qui brisent la monotonie. Peu après le départ, je suis surpris de voir un militaire, en tenue de camouflage, sortir d'un bâtiment agricole avec un grand cheval marron. La combinaison militaire-cheval est plutôt insolite, je ne savais même pas que l'armée suisse possédaient des chevaux, et je me demande ce qu'ils en font, ici à 1600 mètres au milieu de nulle part. Devant le bâtiment sont alignés une dizaine de petits attelages, comme ceux que l'on voit dans les courses de trot en France. Les soldats s'amuseraient-ils à organiser des courses de trot pour passer les longues journées en montagne ?
Un peu plus loin, là où la piste surplombe le petit Seewenseeli, nouvelle scène insolite. Un second militaire, plus âgé que le premier mais lui aussi en tenus de combat, est en train de jouer du cor des Alpes au bord du chemin, tout seul, pour son propre plaisir. Il joue plutôt bien d'ailleurs ; les longues notes résonnent tout autour du cirque montagneux autour du lac, créant des harmonies qui se marient parfaitement à la mélodie qu'il joue. C'est assez magique, il faut le dire. En tout cas, je suis bien content de savoir maintenant comment l'armée suisse occupe ses jours fériés : courses de trot et cor des Alpes.
Depuis la petite chapelle à Ober Seewen, où la piste fait enfin place à un sentier, la suite de l'itinéraire jusqu'au sommet est clairement visible. Le sentier remonte le fond d'un vallon qui aboutit à la selle entre le Fürstein et son petit frère le Chli Fürstein, puis oblique à droite pour gagner le plus haut des deux sommets. La carte n'indique pas de sentier vers le Chli Fürstein, mais je me dis qu'il serait dommage de ne pas faire le petit effort supplémentaire qui me permettrait de cueillir deux sommets pour le prix d'un. Je quitte donc l'itinéraire balisé et remonte vers la longue arête qui descend vers l'est depuis le sommet.
En fait, il y a des traces de sentier serpentant presque tout le long de la crête. Celle-ci est plus raide qu'il n'y paraît, mais jamais difficile, même si les grosses touffes d'herbe qui tapissent sa partie supérieure rendent la tâche assez fatigante. Au sommet, deux hommes accompagnés de deux chiens sont en train de profiter de ce coin peu fréquenté. Ils n'ont pas l'air ravis de voir arriver un autre randonneur, mais je ne fais que passer. L'un des chiens essaie de me mordre à l'insu de son maître : il rate son coup, mais je sens le tissu de mon pantalon se faire tirer vers l'arrière au niveau de la cuisse droite.
Je pensais qu'il y aurait un passage facile depuis le sommet du Chli Fürstein jusqu'à la selle, qui n'est pas loin en dessous. Mais depuis le sommet ça a l'air moins évident, le terrain est bien raide tout autour, à l'exception de la direction par laquelle je suis arrivée. Je n'ai vraiment pas envie de redescendre tout ce que je viens de monter. Un tout petit sentier part en direction de la selle, et je le suis. C'est le passage la plus difficile de cette randonnée, et vaut probablement la cotation T3 sur quelques dizaines de mètres de dénivelée. Pas difficile mais très raide, glissant et assez exposé par endroits, ce sentier ne pardonnerait pas un faux-pas, car les falaises au bord desquelles il descend en lacets serrés sont bien hautes et bien verticales. Mais j'atteins la selle sans problème, et peu de temps après me trouve sur le sommet du Fürstein, avec ses 2040 mètres juste une tête plus haut que son petit frère.
Par bonnes conditions météo, la vue depuis ici doit être époustouflante. Les Alpes de la Suisse centrale sont là dans leur intégralité, mais ce qui attire surtout le regard sont les immenses sommets enneigés de l'Oberland bernois. Je me rends compte avec un petit pincement au coeur que ça doit faire deux ans que je n'ai plus mis les pieds dans l'Oberland, où j'allais si souvent quand j'habitais encore à Neuchâtel. Aujourd'hui, cette vue lointaine est quelque peu gâchée par les nuages de plus en plus bas, et c'est plutôt le Pilatus qui attire mon attention, sombre et pointue par-delà un premier plan d'herbe jaunâtre. Le vent s'est renforcé et la température a baissé : quelques-uns des 11 degrés de ce matin se sont envolés. Je prends vite froid en mangeant mes sandwiches ; j'ai très envie de soupe chaude, mais je suis rentré tard hier soir d'un déplacement professionnel et n'ai pas eu le temps de préparer autre chose qu'un sandwich au jambon et un autre au fromage. Je mange rapidement et me remets en route.
Après mon détour à la montée, je choisis le sentier balisé pour la descente ; un sentier glissant et érodé qui descend rapidement dans le fond du vallon, où il suit un petit torrent vers le bas. Le reste de la randonnée est simplement l'itinéraire de ce matin en sens inverse : je repasse à la chapelle d'Ober Seewen, passe au-dessus du lac (le joueur de cor des Alpes n'est plus là), puis arrive à l'endroit où j'ai vu le militaire cavalier plus tôt. A ma grande surprise, il y a maintenant une dizaine de militaires et une dizaine de chevaux (tous identiques) à ce même endroit. Je me demande qui a gagné la course…
La descente me fatigue ; cela fait quelques semaines que je n'ai plus fait de randonnée, et mon corps me le fait savoir, me rappelant gentiment que je n'ai plus 20 ans et que la remise en route après une pause se paie en courbatures. Alors que j'atteins le parking, inévitablement, le soleil se met à briller.
Tourengänger:
stephen
Communities: Randonneur
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