De Sargans à Grindelwald sur la Via Alpina - Quatrième étape
|
||||||||||||||||||||||||||||
Klausen in the rain…
Il pleut toute la nuit. Je ne suis pas surpris, ça correspond aux prévisions de Météosuisse. Nous aurons sans doute une journée plutôt maussade aujourd'hui, suivie d'une amélioration rapide demain.
Notre dortoir en sous-sol a peut-être été aménagé récemment, mais il est terriblement humide. Les vêtements que nous avons lavés hier soir n'ont pas séché, et tout ce qui était sec hier soir est maintenant humide et froid. C'est Ruhetag à l'hôtel (ça devient une habitude) et nous avons du mal à trouver une porte ouverte pour entrer prendre le petit déjeuner.
Nous nous mettons en route à neuf heures moins le quart. Plutôt que de monter à Urnerboden à pied depuis Linthal (parcours qui suit la grande route, ses voitures et ses innombrables motos de près), nous décidons de prendre le funiculaire jusqu'à Braunwald, puis de suivre le sentier balcon. Ce sera certainement plus joli que par la vallée. Un petit bout de ciel bleu flotte au-dessus de Linthal… et si les prévisions météo étaient fausses ? Peut-être que nous allons avoir de la chance.
Nous partageons le funi avec un chargement de cailloux. Le trajet est raide mais plus court que je pensais ; dès la moitié du parcours nous sommes dans un brouillard épais.
Nous ne verrons rien de Braunwald, si ce n'est que quelques silhouettes de chalets à peine visibles dans la brume. Au moins il ne pleut pas. Un bon sentier quitte la station, d'abord en légère descente puis plus ou moins à plat, en balcon au-dessus d'une vallée que nous ne voyons pas. Il doit y avoir de beaux points de vue, car de nombreux bancs sont installés face au brouillard à des endroits où il y a des trouées dans la forêt. J'aime assez cette ambiance brumeuse qui crée un certain mystère : on entend des torrents sans les voir, des petits bosquets deviennent de grosses forêts sombres, le son des cloches à vaches nous parvient sans qu'on arrive à savoir depuis quelle direction, ni si ça vient de près ou de loin.
La buvette de Nussbüel doit marquer la fin de l'itinéraire "promenade familiale" depuis Braunwald, car au-delà de ce point le sentier devient plus étroit et moins plat. Il monte doucement, entrant en forêt et franchissant plusieurs petits torrents. Deux de ces passages se font sur des rochers polis et glissants, et sont équipés de chaînes. Je trouve qu'avec les gouttes qui tombent des arbres, on se mouille davantage maintenant qu'on est en forêt… mais ce ne sont pas que des gouttes, il s'est mis à pleuvoir pour de bon. Je sors mon couvre-sac, ma veste Goretex et mon pantalon imperméable… tout cela devrait suffire à arrêter l'averse, mais pour une fois la magie ne fonctionne pas et la pluie s'intensifie. Le sentier, souvent jonché de racines, devient très glissant.
A Friteren, nous atteignons le point culminant du sentier balcon et commençons la descente vers la Klausenstrasse et la vallée d'Urner Boden. Succession de petites routes d'alpage et de sentiers devenus très boueux. La pluie est maintenant devenue torrentielle et il n'y a rien pour s'abriter. Nous arrivons sur la route au niveau d'un arrêt de bus, mais il n'y a pas d'abri et le prochain bus ne passe que dans une heure. Nous décidons de continuer à pied, nous nous mouillerons tout autant en attendant le bus qu'en marchant.
L'ambiance de cette vallée a quelque chose d'écossais, tendance Macbeth. C'est une large vallée à fond plat, traversée par une rivière gonflée par la pluie de cette nuit et de la matinée. Au-dessus, nous avons une impression fugitive de falaises, de tours grises et de pinacles déchiquetés, enrobés de guirlandes de nuages gris qui vont et viennent. Nous traversons la rivière sur un pont et commençons à la remonter vers le petit village d'Urnerboden qui apparaît loin devant, juste quelques maisons groupées autour d'une église blanche sur une butte boisée, avec le Klausenpass derrière.
Pique-niquer est hors de question, nous sommes trop mouillés. Il y a un Gasthaus dans le village, mais quelque chose me dit qu'à coup sûr ce sera Ruhetag… comme d'habitude. Heureusement je me trompe, le restaurant est ouvert, nous allons pouvoir manger au chaud.
Ma coéquipière, qui n'a pas de pantalon imperméable, est trempée jusqu'aux os et doit se changer intégralement. Elle n'a pas de couvre-sac non plus mais son sac à dos doit être d'excellente qualité, car son contenu est parfaitement sec. Ce qui n'est pas le cas du mien, un vieux sac qui arrive gentiment en fin de vie et qui a pris l'eau malgré le couvre-sac. Heureusement, mes vêtements de rechange sont emballés dans un grand sac poubelle et tout le reste (cartes, livres, pharmacie, chargeurs de téléphone et d'appareil photo) est bien à l'abri dans des sacs de congélation.
Pendant que nous mangeons une bonne soupe et une piccata de courgettes, les deux Hollandais que nous avons vus veille entrent. Comme nous, ils sont montés en funi à Braunwald ; comme nous, ils sont trempés. Mon amie décide de continuer en car postal, ce qui est sans aucun doute la seule décision rationnelle dans les circonstances. Les Hollandais font pareil. Pour ma part, entêté, je veux poursuivre à pied. Il faut seulement deux heures pour monter au Klausenpass et il a l'air de moins pleuvoir… enfin, c'est la raison que j'utilise pour expliquer cette décision dépourvue de toute logique.
Il me reste donc 600 mètres à monter. La pluie tombe toujours, mais elle semble quand même tomber un peu moins fort que ce matin. Pendant deux kilomètres je marche sur la route et j'avance vite, je me sens en pleine forme et heureux d'être là malgré cette météo horrible. Le sentier se contente de couper les nombreux lacets de la route ; pas toujours très bien balisés, les départs de sentier sont faciles à manquer et je fais sans doute plus de goudron que nécessaire. Vu l'état du sentier, envahi par les herbes folles et quasiment invisible, il ne doit pas être utilisé tant que ça, beaucoup de randonneurs doivent utiliser le bus pour éviter cette montée près de la route.
Pendant la dernière heure avant le col, je dois traverser plusieurs troupeaux de vaches. Je ne suis jamais très à l'aise dans cette situation, surtout quand je suis seul comme aujourd'hui. Comme souvent, dans chaque troupeau il y a une vache – généralement une qui a l'air particulièrement grosse et méchante – qui a décidé de se coucher en plein milieu du sentier. Je m'écarte pour leur laisser de la place et elles se contentent de me regarder passer, se demandant sans doute quelle folie doit motiver un être humain à sortir dans des conditions pareilles.
Dans le dernier virage avant le col, le car postal me dépasse avec son chargement de randonneurs secs. Peu de temps après, j'arrive au Klausenpass, troisième col de ma traversée. Il y a deux buvettes, dont un "Panorama-Stübli" qui est fermé, sans doute parce que le panorama a décidé de s'absenter pendant quelques jours. Je me photographie avec le panneau indiquant le col… mal rasé, tout mouillé et grimaçant c'est une vision horrible que je ne publierai pas sur un forum public !
Du côté ouest du col, la météo est nettement plus mauvaise. Ici, la pluie est accompagnée d'un vent fort et d'un brouillard épais. Il me reste un kilomètre à marcher jusqu'à l'hôtel Klausenpasshöhe. Il y a un sentier mais je me contente de suivre la route ; je suis déjà trempé et couvert de boue, je ne veux pas empirer la situation ! Ce kilomètre me paraît très long et chaque voiture qui passe me mouille un peu plus, mais enfin je vois surgir les bâtiments de l'hôtel dans le brouillard.
L'hôtel Klausenpasshöhe est une très bonne surprise. Je m'attendais à quelque chose de très sommaire mais en réalité il est très confortable : grande chambre sympathique, sanitaires tout neufs, excellentes douches avec de l'eau chaude à n'en plus finir, c'est exactement ce dont j'avais besoin. Vu la météo plutôt automnale, le choix du menu du soir est vite fait : ce sera une fondue !
L'hôtel penche très nettement vers la route ; les planchers, plafonds et murs ne sont pas du tout droits. Lorsqu'on monte les escaliers, on a l'impression de monter et de descendre en même temps, c'est très bizarre. Et quand je me lève pendant la nuit pour aller aux toilettes, c'est très déroutant de monter la pente jusqu'à la porte de la chambre dans le noir, les repères habituels ne fonctionnent plus.
En tout cas le lit est confortable, la couette est chaude et je m'endors rapidement, bercé par les cloches des vaches qui broutent autour de l'hôtel.
Etape suivante : http://www.hikr.org/tour/post26039.html
Etape précédente : http://www.hikr.org/tour/post26011.html
English version: http://isitmuchfurther.blogspot.com/2011/07/from-sargans-to-grindelwald-on-via.html
Kommentare