Chemin des cols alpins : Étape 29, de la cabane de Prafleuri à la cabane de Louvie


Publiziert von stephen , 30. August 2024 um 09:33.

Region: Welt » Schweiz » Wallis » Mittelwallis
Tour Datum:31 Juli 2024
Wandern Schwierigkeit: T3 - anspruchsvolles Bergwandern
Wegpunkte:
Geo-Tags: CH-VS 
Zeitbedarf: 8:00
Aufstieg: 725 m
Abstieg: 1150 m
Strecke:Cabane de Prafleuri – col de Prafleuri – col de Louvie – cabane de Louvie

English version

Cette étape est longue et Météosuisse annonce la possibilité d’orages l’après-midi pour le deuxième jour de suite : nous décidons donc de partir très tôt. Debout à 5h30, nous sommes prêts pour le départ à 6h45. Nous ne sommes pas les seuls à avoir choisi cette option, et à six heures il y a certainement plus de monde au réfectoire de la cabane de Prafleuri que dans les dortoirs. A l’accueil, un groupe de randonneurs américains fait la queue pour acheter de l’eau en bouteille, malgré l’eau de source fantastique (et gratuite) qui jaillit de la fontaine juste à l’extérieur.

Nous descendons d’abord pour traverser le torrent en contrebas du refuge, puis commençons immédiatement l’ascension vers le col de Prafleuri. Derrière nous, les premiers rayons du soleil levant commencent tout juste à éclairer la zone autour de la cabane. Le sentier est raide et rocheux au début puis, vers 2780 mètres, fait place de manière surprenante à une vaste étendue plate qui rappelle une plage à marée basse, traversée par plein de petites rigoles qui s’écouleraient vers la mer. Le sentier n’est pas facile à repérer ici : il reprend sa montée du côté opposé du replat, mais il faut bien chercher le balisage rouge et blanc peu marqué.

Après ce court répit, la montée reprend de plus belle, sur un sentier étroit et parfois aérien. Après un peu moins de deux heures, nous arrivons au col de Prafleuri (2987 m), point culminant du chemin No.6 et, d’ailleurs, des sept itinéraires de randonnée nationaux qui traversent la Suisse. Nous arrivons au col quelques minutes après le randonneur suisse-allemand en T-shirt orange qui était à la cabane hier soir : il a des jumelles et nous montre un groupe de chamois sur un piton rocheux au-dessus de nous.

Hier soir pendant le souper, nous avons entendu beaucoup parler de neige de la part de personnes qui ont fait l’étape dans l’autre sens. Jusqu’ici nous n’en avons pas vu mais au col, la vue vers l’ouest révèle un paysage bien blanc. Entre ici et le col de Louvie, que nous devrons passer tout à l’heure, l’itinéraire traverse le Grand Désert, une vaste étendue de rocher et de lacs glaciaires. Même dans des conditions estivales parfaites ce terrain est difficile, et les conditions actuelles ne sont pas celles d’un été parfait. De nombreux névés subsistent encore et devront être franchis avant de monter au deuxième col, qui semble lui-même être en grande partie enneigé. Cette vue est à la fois fascinante et intimidante.

Nous descendons depuis le col de Prafleuri et rencontrons bientôt les premiers névés. Ceux-ci sont peu pentus et faciles à traverser, bien que le soleil levant n’ait pas encore atteint ce versant orienté nord. Il faut juste faire attention de ne pas glisser sur la neige encore dure et se trouver sur les fesses. Nous descendons ainsi d'une centaine de mètres, puis traversons une zone plus plate au bord de trois petits lacs qui se sont formés en contrebas du glacier descendant du Grand Mont Calme.

Maintenant, c’est un obstacle bien plus sérieux qui se dresse devant nous. Alors que les névés que nous avons traversés jusqu’à présent étaient plus ou moins plats, celui qui s’est formé au-dessus du dernier des trois lacs est à la fois plus grand et, surtout, très raide, sans possibilité de le contourner. De loin, nous pouvons voir les traces de ceux qui sont passés avant nous, montant d’abord en diagonale vers la droite, puis traversant horizontalement de droite à gauche, juste au-dessus du lac dont l’eau est d’un bleu sombre qui laisse croire à une certaine profondeur. Deux personnes sont engagées dans cette traversée : elles avancent très lentement, cela ne doit pas être facile. C’est ce que nous allons bientôt découvrir, même si je n’ai pas très envie de savoir…

La diagonale montante initiale n’est pas difficile. Le soleil a commencé à ramollir la neige et il y a de nombreuses traces laissées par ceux qui nous ont précédés. Les choses deviennent beaucoup plus sérieuses lorsque la trace tourne à gauche pour traverser la partie la plus raide du névé. Sur une distance d’une dizaine de pas - peut-être cinq ou six mètres - on se trouve juste au-dessus de la surface bleu foncé du lac. La pente de neige descend tout droit dans l’eau glaciale, je me dis que les conséquences d’une chute ici pourraient être dramatiques. La pente serait-elle assez raide pour me propulser directement dans l’eau, ou arriverais-je à freiner ma glissade ? J’avance un pas à la fois, tapant des pieds pour m’assurer de la stabilité de chaque marche avant de mettre tout mon poids dessus, et faisant gicler des averses de neige sur Isabelle qui me suit. À mi-traversée, celui qui a fait les premières traces a décidé de faire un grand pas en montant de quarante centimètres d’un seul coup, avant de continuer à l’horizontale un peu plus haut dans la pente. Je trouve ce pas vraiment difficile : avec le poids de mon corps plus celui de mon sac à dos, ma première tentative est un échec et je glisse vers le bas, heureusement seulement jusqu’à la bonne prise que je venais de creuser avec mon pied. La deuxième tentative est réussie, et après encore quelques pas en creusant des marches dans la neige, je pose mes pieds sur du rocher ferme et plat. Les muscles à l’avant de ma cuisse droite, qui ont supporté tout l'effort du grand pas, se sont complètement tétanisés : il me faut plusieurs minutes avant de pouvoir bouger normalement. Et maintenant, en regardant ce que nous venons de faire, je vois ce dont les gens parlaient hier soir à la cabane et qui les a tant effrayés : une arche de neige qu’il faut traverser et qui pourrait s’effondrer à tout moment. En effet, sous la pente que nous venons de traverser, la fonte de la neige a creusé un vide, dans lequel le névé finira par s’effondrer sous l’action du soleil chaud. Celui qui a fait ce grand pas qui m’a posé tant de problèmes cherchait sans doute de la neige plus stable, éloignée de cette arche à l’apparence fragile.

Après une pause pour reprendre nos esprits (surtout le mien), nous continuons en montée très raide, en escaladant des ressauts rocheux où l’usage des mains est nécessaire par endroits. Après une cinquantaine de mètres d’ascension, nous retrouvons un terrain plus facile avec de grands rochers plats, où nous faisons une vraie pause et mangeons un mélange fruits secs-amandes pour recharger nos batteries. Au sud-ouest, à l’horizon, le Grand Combin avec ses 4 300 mètres apparaît comme une enfilade de sommets blancs enneigés : ce massif sera un élément central dans le paysage des prochains jours. Nous descendons lentement vers la vallée en contrebas du Col de Louvie. Il reste encore des névés à traverser, mais ils sont plutôt plats et le soleil a ramolli la neige, il n’y a plus de risque de chute. La descente se termine au bord d’un lac bleu-vert (2749 m), alimenté par plusieurs torrents provenant des glaciers au-dessus, qu’il faut franchir à gué.

Maintenant il faut monter au col de Louvie, presque 200 mètres au-dessus de nous. En regardant vers le col plus tôt, nous avons eu l’impression qu’il y aurait encore pas mal de neige et nous ne nous sommes pas trompés. Nous devons remonter deux grands névés raides, droit dans la pente. C’est fatigant mais à vrai dire, il n’y a ni difficulté réelle, ni danger : la pire conséquence d’un faux pas serait une glissade inélégante jusqu’en bas de la pente et l’obligation de recommencer. Une seule fois me suffit, alors je prends soin de bien creuser des marches solides à chaque pas. Nous croisons plusieurs randonneurs qui descendent depuis le col : certains essaient de rester debout (avec plus ou moins de succès), d’autres s’assoient et optent pour une descente à peu près contrôlée sur les fesses. C’est un jeu d’enfant après ce que nous venons de vivre, mais deux heures plus tôt, sur une neige encore gelée, ces névés devaient être un vrai test pour les nerfs de ceux qui y sont passés.

Nous atteignons enfin le col de Louvie (2921 m) à 11h40, cinq heures après notre départ de Prafleuri. Un panneau au col indique qu'il nous faudra encore 2 heures 15 minutes pour atteindre la cabane de Louvie : je me demande comment le site SuisseMobile a pu arriver à un temps de 4 heures 35 minutes pour l’ensemble de l’étape. Nous sommes peut-être lents, mais pas à ce point ! Nous pique-niquons au col, en regardant la vallée par laquelle nous devrons maintenant continuer vers la cabane, cinq kilomètres et 700 mètres de descente plus loin. Des cumulus ont commencé à bourgeonner au-dessus des sommets et nous ne traînons pas après avoir terminé de manger : la dernière chose que nous voulons maintenant, c’est d’être pris dans un orage. En quittant le col, nous échangeons quelque mots avec trois Américains d’un certain âge qui montent lentement en sens inverse : ils ont l’air épuisés et mal équipés, avec des baskets plutôt que des chaussures de randonnée, et je me demande comment ils vont s’en sortir sur le terrain que nous avons traversé ce matin.

Il n’y a plus de neige du côté ouest du col de Louvie, mais la suite de l’étape n’est pas facile pour autant. Le sentier est un ruban étroit de terre et de gravier qui s’accroche au versant nord de la longue vallée qui s’étire vers l’ouest, avec quelques passages aériens où il vaut mieux ne pas mettre le pied ou planter le bâton trop à gauche. À deux ou trois endroits, il faut franchir des zones de gros blocs éboulés qui offrent au randonneur déconcentré de nombreuses occasions pour tomber dans un trou ou une crevasse et se casser un bras ou une jambe. Je ne suis pas à l’aise dans ce genre de terrain et nous progressons lentement, mettant presque une heure de plus que le temps indiqué au col pour arriver à la cabane. Le sentier hésite à descendre dans la vallée et reste longtemps en altitude, et bien que le lac de Louvie soit visible, il ne semble pas se rapprocher. Quelques gouttes de pluie nous incitent à sortir nos vestes et couvre-sacs imperméables, mais l'averse cesse aussi rapidement qu'elle a commencé.

Enfin, le sentier plonge abruptement vers la vallée, longe un torrent, et nous amène au bord du lac de Louvie (2214 m), à côté de vieilles écuries en pierre entourées de hautes fleurs et d’herbes folles. Nous longeons la rive nord du lac jusqu'à son autre extrémité, d'où une dernière montée courte mais raide termine l’étape. Nous avons mis huit heures, la journée a été épuisante mais magnifique.

Tout en nous servant à boire, la gardienne de la cabane nous demande si nous avons vu les trois Américains. Elle a l'air inquiète lorsque nous lui disons qu'à midi, ils n’étaient pas encore au col de Louvie, et elle nous raconte qu’elle et son équipe ont essayé en vain de les dissuader de partir. Nous lui parlons du névé délicat au-dessus du lac glaciaire et elle nous dit qu'elle est allée le voir il y a quelques jours pour constater la taille du problème d’elle-même. Elle dit toujours aux marcheurs de prévoir sept heures pour l’étape entre Prafleuri et Louvie : compte tenu des conditions, l’heure de plus que nous avons mise n’est pas si mal, l’honneur est sauf.

Alors que nous défaisons nos sacs dans le dortoir, nous sommes salués par un autre couple que nous n'avions pas remarqué dans le coin sombre où ils se reposaient. Ils nous ont reconnu de deux ans auparavant, quand nous nous sommes trouvés à la même table à la Chamanna Jenatsch, le premier soir de notre chemin No. 6. Nous les avons vus plusieurs fois au cours de cette randonnée en 2022, la dernière fois en descendant vers Splügen. Comme nous, ils ont fait le tronçon de Saas-Fee à Arolla l'été dernier, avant de connaître le même sort que nous et d’abandonner à cause du mauvais temps. Ils nous disent qu'ils n’ont pas assez de congés pour aller jusqu’au Léman cette année, ils doivent s’arrêter au lac de Salanfe. Nous reverrons les Splügen, comme nous les surnommons, plusieurs fois au cours des prochains jours, jusqu’à ce que notre jour de repos provoque un décalage entre leur programme et le nôtre.

Il y a une vraie douche à la cabane de Louvie, et même s’il faut faire la queue c’est du luxe après les deux premières soirées de nos vacances. Alors que je m’extasie sous l’eau chaude, un énorme coup de tonnerre tout proche signale l’arrivée du mauvais temps qui était prévu : une heure de plus en chemin et nous aurions été en plein dedans. La météo semble propice à déguster la fondue qui est proposée en alternative aux spaghettis bolognaises, et nous terminons la soirée autour d’un caquelon bouillonnant avec pain, cornichons et petits oignons blancs. Le dortoir compte douze lits mais seulement six sont occupés : c'est confortable et calme, et je dors remarquablement bien.

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Tourengänger: stephen
Communities: Randonneur


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