Décidément il devait être écrit que cette traversée ne veut pas trop de nous...3 ans plus tôt on avait dû fuir Bertol en catastrophe le dimanche matin devant la tempête de foehn qui tuera 7 personnes quelques heures plus tard du coté des Vignettes. Ce coup-ci les cieux semblaient plus coopératifs - mais c'était compter sans le vent de NE qui non content de faire fumer les crêtes le samedi matin nous a obligé aussi à faire fumer le GPS le dimanche ! Comme toujours défaitiste, j'ai carrément proposé le 1/2 tour dès Arolla (!) en regardant avec terreur les panaches blancs du coté de l'Aiguille de la Tsa, sachant que MSuisse et MBlue annonçaient du ressenti < -20° en altitude. Au final gros coup de bol, le vent est tombé dès midi et on est arrivés presque réchauffés à Bertol, avec même le luxe d'un long picnic sous les Plans.
Mais on ne perdait évidemment rien pour attendre : le ciel s'est rapidement voilé dimanche matin et on n'était du coup pas fâchés de suivre les traces jusqu'au sommet. 60 kmh de vent et -17°, 4 couches de vêtements pour monter (je n'avais plus marché aussi longtemps en doudoune depuis l'Altaï), mais masque et moufles chauffantes limitent les dégâts et une grande éclaircie dévoile une vue somptueuse sur le Cervin et la Dent d'Hérens. L'euphorie revient, le ciel est bleu, yapluka se laisser glisser jusqu'à Zermatt...ben non hélas : 100m sous le sommet on plonge dans le brouillard, il commence même à neiger un peu. Le vent a effacé les traces, et le froid rend la consultation du GPS du Smartphone assez démotivante. En gros avec mes mains gelées, je laisse ça aux petits copains. Les 1ères crevasses apparaissent. On attend en vain une éclaircie pendant 20mn dans le froid...avant d'envisager carrément un 1/2 tour.
Au final, sous l'impulsion d'Hugo (merci à lui...) on insiste, mais il faudra tous s'encorder. N'ayant plus fait ça depuis la PDG il y a 25 ans (tiens d'ailleurs au même endroit !), j'avais oublié à quel point c'est pénible de skier encordé à 3, à fortiori dans le brouillard. Pour les enfants c'était une 1ère, Arnaud a trouvé ça rigolo, Cécile - frustrée de rater une belle descente dans une neige idéale - un peu moins. On croise heureusement un groupe guidé à la montée dont les traces fraiches aident à s'orienter et on sort de la purée vers 3000m (1h20 pour descendre 600m...) ce qui permet de retirer la corde. On fera même quelques beaux virages dans le mur du Stöckji.
Agnès et Michel nous quittent pour remonter à Schönbiel en vue de gravir l'Äbihorn le lendemain. Pour les autres, l'ambiance magnifique de cet immense vallon, les lumières changeantes, le Cervin tout dégagé et la Dent d'Hérens fumante compensent largement la longue partie de pousse-bâtons ramenant sur les pistes de Zermatt. Ou il faut d'ailleurs encore pousser une paire de fois ! Mais que font les bulldozers ? Le retour dans la foule des pistards dominicaux est toujours un peu brutal mais pour une fois on n'est pas fâchés de retrouver de la montagne aseptisée !
Itinéraire détaillé ici
Conditions du jour : montée à Bertol = neige meuble suite aux grosses chutes 3 jours avant (60 à 80cm) suivies d'une période de grand froid. En général légère et non ventée sur un fond déjà un peu tassé, un chouia humidifiée plein S sous les Plans de Bertol (pas mis les couteaux, l'herbe n'est pas loin). Bonne trace. Risque 3 annoncé, pas perçu de manteau malsain, par contre ça coulait de temps à autre depuis les rochers de la cabane sur la dernière traversée raide : ayant aperçu une petite coulée qui a oblitéré la trace, on se disait que c'était bon pour quelques temps...manque de bol la suivante est descendue pile sur Michel et moi quand on passait là. Bousculés dans la pente, on en a été quittes pour un petit coup de frayeur (et un bon bain de poudreuse glacée !) sous le regard un peu épouvanté d'Agnès et des enfants.
Traversée Bertol-Zermatt : 1km après le col de Bertol, le gardien nous avait bien avertis de ne pas prendre la trace de gauche, elle mène droit dans un champ de crevasses, théatre d'un accident le samedi (chute de 3 personnes, hélicos & tutti quanti, mais tout le monde sorti vivant) - bref bien longer à droite comme décrit sur la carte. Neige devenant ventée avec sastrugis & co mais seulement > 3500m, le dome de Tête Blanche est en béton armé (sans souci vu la faible pente). Pour le reste tout l'itinéraire était en neige froide jusqu'à déboucher sur le grand vallon plat à la hauteur de Schönbiel. Le vent avait quand même suffi à effacer les traces > 3200m, ce qui ne nous a pas facilité la tâche en plein white-out (cf commentaires...). En bas, les traces sont à nouveau pratiques pour s'orienter en rive D, pas mal de pousse-baton et qques remontées amènent au Pt 2189m où on retrouve les pistes damées ramenant à Zermatt par Furi. Fréquentation : pas mal de gens le samedi mais très peu de gens au sommet dimanche (et quasiment personne en mode traversée).
Météo : samedi grand beau glacial (-8° au départ, -15° à Bertol) avec fort vent et crêtes fumantes le matin, mais le vent est tombé vers midi et l'itinéraire est assez protégé --> on est finalement arrivés sans sortir masques et doudounes. Dimanche bien moins beau que prévu, ciel changeant, alternance de zones de brouillard et d'éclaircies, fort vent de N au sommet avec température ressentie de -25°. White-out complet dans la descente jusqu'à 3000m environ (la retrospective météo du bulletin d'avalanche du soir indiquait pourtant "en Valais temps ensoleillé"...on ne devait pas parler du même Valais - ou du même soleil - alors !). Ciel à nouveau dégagé en arrivant au dessus de Zermatt.
Accès : samedi train de 7h07 à Berne --> Visp --> Sion --> Arolla. Train déjà presque plein, quant au car postal on voyageait debout. Bah on n'est plus à une Covid-party près, c'est comme ça chaque WE ou presque. Dimanche train de 17h37 à Zermatt --> Visp --> Berne 19h54 (là-aussi certains voyageaient assis sur les marches...)
Hébergement : accueil adorable du nouveau couple de gardiens de Bertol. 73 CHF la 1/2 pension, avec un un p-dèj à commander la veille mais où on peut avoir quasiment ce qu'on veut (bircher, omelettes...). Par contre pas d'eau, il faut l'acheter. Paiement par carte possible. Toilettes extérieures posées au dessus du vide. Les échelles d'accès sont faciles et bien déneigées. En plus pas de Covid à 3300m, ça faisait du bien de passer enfin une soirée conviviale démasquée ! 37 personnes ce soir là (jauge maxi sur un total de 80 places). Il faut monter taie d'oreiller et sac à viande mais il y a des couettes. Les dortoirs du bas n'ont pas dégelé de la nuit même fenêtre fermée...bref on a dormi tout habillés !
Horaire : samedi départ 10h10, 5h net de montée + 50mn de pause, arrivée 16h. Dimanche départ 8h15, sommet 11h45, arrivée 16h45.
Participants : le clan Semelet pour une fois au complet (Agnès, Cécile, Arnaud et moi), Hugo V., Michel D.
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